Après avoir pris de cours auprès de Manolo Vargas, premier danseur de la compagnie de Pilar López, Pilar m’appelle à Madrid et m’embauche tout de suite, et je deviens le premier danseur de sa compagnie une année après, où j’ai interprété une grande partie de son vaste répertoire. C’est elle qui m’a donné le nom artistique de Gades. C’était une chance inespérée et ma vie a changé complètement d’horizon. Elle m’a donné des cours et enseigné des chorégraphies et c’est ainsi que j’ai appris. En neuf ans, j’ai visité les plus grands théâtres du monde, tout d’abord en tant que membre du corps de ballet de Pilar et ensuite en tant que premier danseur.

Avec Pilar, j’ai appris le comportement d’un professionnel de la danse, sur scène et en dehors. J’ai d’abord appris l’éthique professionnelle de la danse, avant l’esthétique. La première leçon qu’elle m’a donnée est celle de l’humilité. Un jour, à la fin d’un spectacle, entre les applaudissements, j’ai fait un geste pour partager le succès avec le chef d’orchestre. Et quand je suis sorti de scène, j’attendais les félicitations de Pilar, mais elle m’a dit la chose suivante: “ne rejetez plus la responsabilité sur les autres ”. Lors de la première tournée à l’étranger, nous sommes allés à Caracas. Je ne pensais pas que c’était l’étranger car ils parlaient espagnol. C’était au Théâtre del Este, alors considéré comme le plus moderne d’Amérique. Et je me rappelle également d’un voyage au Japon en bateau, de Marseille à Yokohama, 34 jours pour y aller, 15 jours de travail et 33 jours pour revenir.

Je n’avais pas encore vraiment décidé de mon avenir. C’est en 1954 que j’ai commencé à aimer la tauromachie. J’ai participé à une corrida en habit de lumières, mais je n’ai tué aucun taureau. J’étais le remplaçant. Pilar López m’a conseillé d’arrêter. Tout pouvait se terminer par un coup de corne et je courrais le risque de ne pas pouvoir danser ni d’être torero. La chorégraphie et la tauromachie sont deux arts comparables pour leur esthétique, la couleur, le rythme, mais à la différence que pour le second, c’est la vie qui est en jeu. En 1957, j’ai dansé à l’Arena de Vérone avec Pilar López ma première “Carmen” de Bizet. Du répertoire de Pilar López, entre autres, j’ai dansé Pepita Jiménez (hommage à La Argentinita), le Preludio Español de Gombáu, un pas à quatre avec Pilar López, Paco de Alba et Alberto Lorca, “Tres escenas andaluzas”, la nº 2: Ritmos de Cádiz et la nº 3: Guajira Colonial. Je dansais également en solo, la Danza del Chivato de Pittaluga, mon premier solo dans la compagnie de Pilar. Le pas à deux avec Nana Lorca sur la danse nº 5, Castilla, de la Suite Española de Gombáu, et la nº 8. Aragón, avec Pilar López et toute la troupe. De Chueca nous avons dansé plusieurs numéros de “Agua, azucarillos y aguardiente”, le nº 1. Barquilleros y aguadoras et la nº 4. La Bronca, les deux avec Nana Lorca et Alicia Díaz et Paco de Alba, et la nº 5. Pasacalle final, avec toute la troupe. Je faisais également, dans Baile et cante por caracoles, le nº 4. La castañera, un pas à quatre avec María Dolores, Mari Carmen Martínez et Pilar Parra; le nº 6. Café de la Unión, un pas à trois avec Dorita Ruíz et Paco Carmona; et le nº 7. Baile y cante por caracoles, avec Pilar López et toute la troupe. J’ai fait mon premier Amor brujo de Manuel de Falla dans le rôle de El Espectro, ainsi que la Fantasía goyesca de Enrique Granados; le nº 1. Majos y duquesas, pas à quatre avec Pilar López, Nana Lorca, et Vicente Romero; le pas à deux Fandango del Candil avec Nana Lorca, le nº 5. La Maja y el ruiseñor avec Pilar López et Alberto Lorca, le pas à deux nº 8. Jota aragonesa avec Pilar López et le nº 10. Jota Final avec Pilar López et toute la troupe. Nous faisions également el Intermedio de “La Revoltosa” avec toute la troupe, et El Café de Chinitas, que nous faisions avec Alfonso Vargas. J’ai également dansé le Concert d’Aranjuez de Joaquín Rodrigo. Le deuxième mouvement, La Nuit, et le troisième mouvement, Le Jour, les deux avec toute la troupe. Je faisais également un pas à deux avec Dorita Ruiz intitulé L’Espagnolade avec la musique d’Ernesto Halffter, et dans Flamencos del Perchel de Soirt, où je dansais avec Pilar López, Paco Carmona et la guitarre de Ricardo Modrego. Nous avons également fait des Préludes et des images de Claude Debussy, le nº 1. Sérénade Interrompue où je faisais un solo, le nº 3. Tocata, un pas à quatre où il y avait deux danseurs classiques, Nana Lorca et Alicia Díaz, et deux flamencos, Salvador de Castro et moi-même. Et le nº 5, Jardins sous la pluie, avec toute la troupe. Avec Pilar, j’ai dansé mon premier Bolero de Maurice Ravel arrangé par Branca, avec Pilar López, Nana Lórca, Dorita Ruiz, Paco de Alba et Salvador de Castro. Nous avons également fait le Baile de las siete batas avec toute la troupe, constitué de Chuflillas de Cai, Chuflillas del Puerto et Chuflillas de Jerez.

‘Salomón Milán’, avec Gina Lollobrigida Salomón et la reine de Saba (Solomon and Sheba) Drame 120 min. 1959 EE.UU D.: King Vidor. I.: Yul Brynner, Gina Lollobrigida, George Sanders.

Avec Pilar j’ai réalisé ma première chorégraphie intitulée “Ensueño”, sur l’œuvre de Joaquín Turina du même titre (Danza Fantástica nº 2, op. 22), un pas à deux que j’ai alors dansé avec Alicia Díaz. J’ai passé cette œuvre dans le répertoire de mon premier groupe, que j’ai créé lorsque j’ai quitté la troupe de Pilar. La dernière représentation que j’ai faite avec le Ballet de Pilar López était au Royal Albert Hall de Londres en 1961.

Lors de mes séjours à Madrid, je fréquentais l’école d’Antonio Marín et Rafael de la Cruz, un sous-sol qui se trouve à Vara del Rey, dans le Rastro. C’est là-bas que je voyais Emilio de Diego, Güito. Marín était un excellent danseur de flamenco qui avait perdu ses deux jambes suite à un accident. Mais sa fille répétait les indications de son père. C’est là que j’ai monté le Mirabrás.

Après neuf ans avec Pilar López, je n’ai jamais cessé de reconnaître qu’elle m’avait formé en tant que danseur et en tant que personne. En effet, elle m’avait enseigné que l’important dans la danse ce n’est pas d’être meilleur que les autres mais meilleur que soi-même. A cette époque, j’avais envie d’apprendre avec d’autres professeurs, comme l’école bolera d’Alberto Lorca, le zapateado avec El Estampío, la farruca avec El Gato ou la jota aragonesa avec Pedro Azorín.

En 1961, je croyais avoir terminé un cycle de ma vie artistique, un cycle d’apprentissage, c’est pour cette raison que j’ai décidé de quitter le Ballet Español de Pilar López et de devenir indépendant, de créer mon propre groupe et de continuer à apprendre dans d’autres endroits. Je suis parti en Italie et en France où j’ai eu l’occasion de poursuivre ma période de formation.

L’histoire du soldat.

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