Antonio Gades se retire de la scène : en dansant Fuenteovejuna de Lope de Vega à Madrid. Il était le personnage principal, un jeune homme, et il devait aller à la rivière pour aller chercher la jeune fille qui était en train de se laver. Je m’agenouillais, je jouais avec elle, je me levais. Un jour, j’ai senti un bruit terrible à un genou. Et quand je me suis levé je lui ai dit : Je suis assez vieux pour t’acheter une machine à laver et te trouver un appartement, mais pas pour me rendre à la rivière. Et j’ai cessé de danser. Sur les dernières tournées de la compagnie, son rôle dans Carmen, Don José, et dans Fuenteovejuna, Frondoso, est dansé, avec grand succès par José Manuel Huertas.

 

Le Ballet National d’Espagne, sous la direction d’Aída Gómez, propose en 2001 de monter Fuenteovejuna. Antonio s’implique dans le projet qui commence alors que c’est Elvira Andrés qui en est la directrice, répétitrice de Fuenteovejuna et membre de sa Compagnie depuis les années quatre-vingt. Pendant le montage, il fait la connaissance de celle qui sera sa femme, Eugenia Eiriz, avec qui il a partagé les dernières années de sa vie et auprès de qui il a combattu courageusement le cancer qui a eu du mal à lui ôter la vie. Pendant les mois où le peuple espagnol s’oppose à la guerre en Irak, Antonio affirme: Moi, contre l’oppression, contre le manque de liberté, contre tout ce qui est injuste, je signerai toujours. Nous n’avons pas d’autre choix que de rêver, de continuer à rêver et de rêver, dans l’espoir que ce monde meilleur doit être une réalité, et ce sera une réalité si nous luttons pour lui. L’homme ne peut jamais renoncer aux utopies. En effet, se battre pour une utopie, c’est en partie la construire. Rien n’est plus triste qu’un enfant qui fait l’aumône ou un peuple sans dignité. La lutte pour la paix est la cause la plus importante à laquelle on peut se consacrer, parce que c’est pour le bien de tous. Pourquoi cette guerre ?, Pourquoi se laisser humilier ? Pourquoi supportons-nous le massacre, la fumée, le sang, le vent, le sable? Et voici ce que nous crions si vous nous laisser faire messieurs les présidents : A quoi ressemble le sang de loin ? Quelle est l’odeur du sang de loin ? Quelle est l’odeur de la chair brûlée de loin ? Pourquoi ne vous approchez-vous pas des villages, et de loin, vous cessez de regarder ?

Il est bien connu que Gades a tourné autour du Quijote pendant de nombreuses années. Cependant, après avoir réalisé Fuenteovejuna, il avait peur qu’El Quijote ressemble beaucoup à ce qui fut sa dernière œuvre. Quand on m a demandé à quand une autre œuvre, moi qui ai la réputation d’être lent et je le suis, je leur réponds que rien ne presse, parce que j’ai tout le passé devant moi. J’ai été un homme de théâtre qui a utilisé la danse comme moyen d’expression. Je n’ai jamais dit que j’arrivais ou que je partais. Face à certaines propositions sur ce ballet, il disait  » Cela me paraîtrait immoral de mettre El Quijote sur scène uniquement pour gagner de l’argent. » La naissance d’un ballet a toujours été une grande douleur pour Gades, résultat d’années de formation, d’étude et de préparation, ce qui le conduisait à prendre soin de tous les détails.

En 2003, il traverse l’Atlantique pour la deuxième fois, sur son voilier LUAR 040. A son retour, il commence à retourner un projet dans sa tête qu’il avait proposé à Gonzalo Suárez: tourner Fuenteovejuna. Il commence à ébaucher des idées avec la collaboration de Faustino Núñez. Mais la maladie suit son cours : Au cas où mon expérience pourrait être utile à quelqu’un, après avoir subi toutes ces opérations et vécu tout ce que j’ai vécu, je me rends compte qu’il est absurde de continuer à vouloir être applaudi quand ce n’est plus le moment. Je ne vais pas connaître de meilleurs théâtres, et je vois des gens qui veulent continuer à danser comme quand ils avaient 20 ans, et je me rends compte qu’ils sont en train de perdre leur vie. Ils perdent leur vie car cette ambition est maladive. Mais bon: Pourquoi faites-vous cela ? Pour quelle raison devez-vous écrire un roman tous les mois ? Je ne joue plus avec rien. Même pas avec les femmes. Ni avec l’amitié. Pas même avec les idées politiques. Pour être honnête, il y a peu de choses qui peuvent me rendre malheureux. C’est avoir conscience d’avoir navigué et d’avoir réalisé sa vie et que la vie c’est celle que vous avez devant vous. Et oui, je suis arrivé à Ithaque.

Antonio Esteve Ródenas, pour la scène, Antonio Gades, est parti un 20 juillet 2004, entouré de sa famille. Il est parti comme il a toujours voulu, sans faire de bruit, mais en prenant les rênes de ses adieux comme il a pris les rênes de sa vie. Son esprit et son œuvre vivront éternellement.

 

 

Integrantes del Ballet Santiago rinde homenaje al bailarín Antonio Gades en el sitial donde fueron depositadas sus cenizas en el Mausoleo del Segundo Frente Oriental Frank País.

Les membres du Ballet Santiago rendent hommage au danseur Antonio Gades à l’endroit où ses cendres ont été déposées, au Mausolée du Segundo Frente Oriental Frank País. Photo:Miguel Rubiera Justiz/AIN

Lorsque l’Union Soviétique a disparu, Gades a réitéré son identité auprès de Fidel et a appelé ses filles Tamara et Celia, “pour son amour pour Celia Sánchez et Tamara Bunke”. Il a également rendu un hommage supplémentaire à Cuba symbolisé dans l’inoubliable Celia, héroïne de la Sierra, à qui il a dédié le ballet Fuenteovejuna, qu’il a mis en scène sur l’île gratuitement. Ce n’est pas par hasard si sa dernière volonté, sur son lit de mort et sur une feuille d’hôpital a consisté à demander que ses cendres soient envoyées à son ami Raúl Castro:

« Madrid, 14 juillet 2004

Cher Raúl,

Je veux vous dire que mon épouse Eugenia et mes filles María, Tamara et Celia, selon mes dernières volontés vous remettront mes cendres. Faites comme bon vous semble.

Je n’aurais jamais pensé avoir l’honneur de devenir votre ami, mais dès que j’ai fait votre rencontre, vous n’avez cessé d’être avez moi du fait de votre fermeté de caractère, votre exemple de vrai communiste et pour votre fidélité à notre Commandant.

Je veux que vous sachiez que mon seul regret est de ne pas avoir fait plus pour la Révolution.

Vive notre Commandant, Vive Raúl, Vive notre Parti Communiste de Cuba.

Amitiés à Colomé et à toute la famille, et plus particulièrement pour Vilma et pour vous. Toujours à vos Ordres”.

Quand un ami disparaît, quelque chose meurt dans l’âme. Mais ses dépouilles reposeront éternellement dans le pays qu’il aimait. En savoir plus.

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