Mon père, qui est la personne que j’ai admirée le plus et qui m’a le plus influencé, m’a appris à respecter les autres.

Antonio Esteve Ródenas, dont le nom de scène est Antonio Gades, est né le 14 novembre 1936 à Elda, province d’Alicante. Il arrive à Madrid immédiatement après la guerre civile. Sa famille est une famille de travailleurs. Sa mère travaille dans l’industrie de la chaussure et son père, mosaïste, est un communiste convaincu qui rejoint les forces républicaines un mois avant la naissance d’Antonio. Son père laisse donc sa mère et le nouveau-né, Antonio, à Elda, pour se rendre à Madrid comme volontaire et rejoindre le bataillon d’octobre.

 

Antonio avait l’habitude de dire : à ma naissance, mon père a renoncé à être présent pour être au côté du peuple, un fusil à la main, ce dont je suis très fier.

Son père, homme du peuple avec une forte conscience politique, lui inculqua les valeurs de solidarité et de respect de la dignité humaine, lui léguant, selon ses propres termes, un merveilleux héritage, qui se résume en deux règles: l’ingrat n’est pas bien né, et c’est à moi de gérer ma faim. C’est donc la figure du père qui a le plus influencé Gades et pour laquelle il montré le plus d’admiration. En effet, elle a été décisive dans sa forte conscience des classes.

Gades poursuit: “Une fois la guerre terminée, il n’était pas question de rester dans notre province, et nous sommes partis à Madrid. Nous vivions dans une loge de portier à Pacífico. A cette époque, les loges de portier étaient réservées aux mutilés du régime. Nous vivions tous les trois, mon père, ma mère et moi, dans deux très petites chambres, le lit était sous l’escalier. Et, un jour, mon père est arrivé avec une femme enceinte et son mari qui avaient été renvoyés de la construction, et il les a installés avec nous”.

Antonio commence à travailler à 11 ans. Vers la fin des années 40, il est garçon de courses tout en faisant des petits boulots pour le journal ABC, en héliogravure. Il y travaille environ quatre heures, au début de l’édition, à l’aube. Il gagne trois virgule soixante-quatre pesetas par semaine. Il travaille également comme assistant du photographe Gyenes où les photographies des artistes de l’époque tapissent tout le mur de la chambre noire. En sortant du laboratoire, il se rend au journal, dont le siège se trouve Serrano 61, et de là à une épicerie de l’autre côté de la rue pour commencer son deuxième travail de livreur. Nous savions que la voisine du cinquième ne donnait pas de pourboire, celle du troisième oui, que le sac de celle du deuxième étage était lourd. C’était le service de renseignement des enfants pauvres. J’ai travaillé dans de nombreux endroits d’où j’étais renvoyé faute de ne pas suivre les ordres car je n’en avais pas envie.

Antonio aime bien étudier, mais il ne peut pas, car il doit aider sa famille. J’ai tout essayé, cycliste, torero, ce que on nous a laissé faire à nous les pauvres, c’est-à- dire, faire le pitre. J’ai même été boxeur, mais après le premier coup reçu, j’ai déclaré que ce serait la dernière fois et j’ai rangé les gants. Devant la maison où ils vivent, dans l’Avenue Ciudad de Barcelona, il y a les tonneliers, passionnés de vélo et ils lui transmettent leur plus grande passion : le cyclisme. Même quand il commence à danser il hésite : si je commence à danser, je devrais arrêter le vélo. A cette époque, il danse comme le font les jeunes gens de l’époque, avec la musique des pianos mécaniques qui défilent dans les rues. C’est une voisine qui le remarque et suggère à sa mère qu’il prenne des cours. C’est ainsi qu’il entre dans le monde de la danse pour échapper à la faim, et non pas pour une autre raison. Je n’avais pas la vocation de la danse qui courrait dans mes veines, mais plutôt de l’anémie à cause de la faim. Alors j’en suis venu à la danse pour ne pas mourir de faim. La faim, ou elle t’enfonce ou elle éveille l’intelligence.

Avec l’argent qu’il gagne en travaillant, il paie ses premiers cours de danse dans une école de danse avec la professeur Palitos. Son arrivée à l’école de danse a lieu dans ce qu’il décrit comme un état hypnotique. Antonio rajoute : j’étais un pauvre gamin de quartier. J’avais envie de découvrir de nouvelles choses. J’avais peur de ne pas être à la hauteur. Cela ne se passe pas si mal et il commence à fréquenter d’autres écoles. Une qui est dans une petite rue en face de Puerta Cerrada, en-dessous de la Cava Baja, à gauche. C’est là qu’il laisse son vélo et s’y rend tous les jours. Et c’est également là qu’il connait celui qui sera son guitariste jusqu’en 1981, Emilio de Diego, avec qui il se rend également dans un autre studio de la rue Miralles.

Après quelques mois, il décroche un contrat pour danser le MAMBO, EL OLE et la DANZA DEL CHIVATO de Pittaluga, ainsi que d’autres danses de cabaret. Son nom artistique est alors Antonio Ródenas, et il danse avec un orchestre dans les cabarets. En 1952, à l’âge de seize ans, il accompagne une danseuse à Santander et à Barcelone. Selon ce qu’il dit lui-même : Ces spectacles étaient stupides. Heureusement, Manuel Castellanos, responsable des Festivals d’Espagne, le voit danser alors qu’il travaille pour un spectacle au Cirque Price de Madrid, et le recommande à Pilar López. Un nouveau danseur est sur le point de naître, baptisé par son professeur Antonio Gades.

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